Facebook Twitter      Mobile RSS        
DVDEF
 

Gaumont

Dossier
L'histoire de Gaumont se confond avec celle du cinéma français. Fondée l'année même où les frères Lumière donnaient leurs premiers tours de manivelle, elle a traversé le XXème siècle pour, après bien des changements de direction, de structure ou de nom, constituer aujourd'hui la compagnie la plus puissante et la plus respectée du cinéma français. Retracer l'historique d'une entreprise plus que centenaire représente un travail colossal et irréalisable dans le cadre d'un article aussi court, c'est pourquoi nous nous contenterons ici de balayer les grandes étapes de l'évolution de Gaumont de 1895 à nos jours. De même, nous n'établirons pas de filmographie, même sélective, le nombre d'œuvres produites par la firme (près de 700) étant trop important.


L'œuvre de Léon Gaumont
C'est donc en 1895, année de la naissance du cinéma, que Léon Gaumont fonde la société Léon Gaumont et Compagnie (LGC), d'abord spécialisée dans la fabrication d'appareils de prise de vue et de visionnage. Dès 1896, la secrétaire de Léon Gaumont, Alice Guy, est chargée de réaliser de petits courts-métrages qui sont vendus aux forains. En 1905, LGC se dote de son premier véritable studio aux Buttes-Chaumont et emploie à plein temps des équipes d'acteurs, de réalisateurs et de techniciens qui tournent film sur film. Il lui faut peu de temps pour écraser la concurrence nationale (Pathé, Méliès) et s'imposer comme la première "major" française. A partir de 1910, LGC abandonne la vente de ses films au profit de la location et se dote du premier circuit de distribution français. Elle ouvre également ses propres salles un peu partout en France, la plus importante étant le fameux Gaumont Palace de la place Clichy, à Paris, d'une capacité de 3400 places et dont la nef atteint 20 mètres de hauteur. La compagnie ouvre des succursales partout dans le monde : en Italie, en Grande-Bretagne mais aussi en Inde, en Argentine et en Russie. Le réalisateur le plus doué de l'écurie Gaumont est alors Louis Feuillade qui enchante les foules avec ses feuilletons Judex et Fantômas. D'un point de vue technique, la compagnie innove en tentant des premières expériences de cinéma sonorisé puis en couleurs. La 1ère Guerre Mondiale vient ébranler l'édifice. La fréquentation des salles est en baisse et la concurrence américaine se fait de plus en plus pressante. En 1925 Léon Gaumont jette l'éponge et LGC fusionne avec un studio américain, la célèbre Metro-Goldwyn-Mayer, pour former la Gaumont-Metro-Goldwyn (GMG).


L'entre-deux guerres
Les capitaux apportés par les actionnaires américains permettent à la GMG de produire quelques films à grand spectacle, dont le Napoléon d'Abel Gance (1927), mais ceux-ci s'avèrent peu rentables. Au moment même où la compagnie vient de passer au parlant (1928), la MGM se retire du capital et le contrôle de Gaumont revient à Louis Aubert, qui rebaptise la société Gaumont Franco-Films Aubert (GFFA). Durant la décennie suivante, Gaumont produit des œuvres audacieuses comme La tragédie de la mine, de l'Allemand en exil Georg-Wilhelm Pabst (1931), ainsi que les films de Jean Vigo (Zéro de conduite, L'Atalante) mais les comptes restent déficitaires. En 1938, Louis Aubert passe la main à un groupe d'investisseurs parmi lesquels la Banque Nationale de Crédit, Havas et Publicis et GFFA devient la Société Nationale des Etablissements Gaumont (SNEG).


La suprématie de la SNEG
La période de l'Occupation (1940-1944) correspond à une hausse de la fréquentation des salles de cinéma en France, et surtout à la mise en place d'une situation d'oligopole pour les compagnies nationales puisque l'importation de films américains est interdite. La SNEG profite de l'aubaine pour augmenter considérablement sa production, sous la conduite d'Alain Poiré qui mène une politique de cinéma populaire extrêmement efficace. En quatre ans, la SNEG se taille une importante part du marché qu'elle parviendra à conserver après la Libération, et ce malgré le retour de la concurrence américaine. Le "style Gaumont" qui se met alors en place se retrouve dans toute la production française des années 1940 et 1950 : acteurs et metteurs en scène chevronnés, tournage en studio, importance du dialogue par rapport aux images. C'est ce style qui permet à Gaumont de décrocher quelques beaux succès commerciaux comme La femme du Boulanger (1938) et La fille du Puisatier (1940) de Marcel Pagnol, La cage aux rossignols (1945) et Les Casse-Pieds (1948) de Jean Dréville. Gaumont triomphe surtout grâce à ses comédies, réalisées par des spécialistes du genre : Sacha Guitry (Le Roman d'un tricheur, 1936, Quadrille, 1938) puis Georges Lautner (Les tontons flingueurs, 1963), André Hunebelle (la série des Fantômas de 1964 à 1966), Robert Lamoureux (la série des 7ème Compagnie de 1973 à 1977), Gérard Oury (La grande vadrouille, 1966)... Si on ajoute à cette liste des films d'auteurs comme Les belles de nuit de René Clair (1952) ou Un condamné à mort s'est échappé de Robert Bresson (1956), on se rend compte du poids écrasant de la SNEG au sein du cinéma français pendant les Trente Glorieuses.


L'ère Toscan du Plantier
A partir de 1975, Alain Poiré partage sa fonction de directeur de la production avec Daniel Toscan du Plantier qui insuffle à la SNEG, redevenue Gaumont, une exigence artistique nouvelle. La compagnie donne la priorité aux films d'art et d'essai afin de se poser en vitrine de la culture française et internationale. Du Plantier signe Bergman et Fellini, soutient les carrières naissantes de Tavernier, Annaud, Corneau, sans jamais lésiner sur les moyens. Il manifeste notamment un intérêt prononcé pour l'opéra filmé : il financera ainsi les adaptations au cinéma de Don Giovanni (Joseph Losey, 1979) et Carmen (Francesco Rosi, 1984). Si toutes ces productions contribuent à redorer le blason de la firme, elles creusent également un énorme trou dans son budget. En 1985, Gaumont rayonne comme jamais mais frôle le dépôt de bilan. Daniel Toscan du Plantier cède sa place à Patrice Ledoux, et Gaumont redevient une usine à films populaires, certes rentable mais sans grand éclat.


Gaumont aujourd'hui
Depuis une vingtaine d'années Gaumont a retrouvé le créneau qu'elle occupait dans les années 1950 : celui d'une firme "grand public", sérieuse et efficace, qui sait renifler l'air du temps pour produire le film qui saura capter l'attention du plus grand nombre. Son fond de commerce reste évidemment les comédies, signées Francis Veber (Le dîner de cons, 1998, Le placard, 2001) ou Jean-Marie Poiré (Les visiteurs, 1992, Les anges gardiens, 1995). De temps à autre elle produit encore des auteurs comme Pialat (Van Gogh, 1991), Godard (Je vous salue Marie, 1985) ou Scola (Splendor, 1989) afin de conserver son image de "gardienne de la qualité française". On lui doit également les débuts de carrière de quelques uns des jeunes cinéastes français les plus doués de leur génération : Jean-Jacques Beineix (Diva, 1981), Luc Besson (Subway, 1985) et Cédric Klapisch (Le péril jeune, 1995) ont tous fait leurs preuves chez Gaumont.
image
En 1993 la marque à la marguerite s'associe avec le géant américain Disney pour créer une structure de distribution commune, Gaumont Buena Vista International (GBVI). En 2001, elle fait fusionner son réseau de salles avec celui de son principal concurrent français, Pathé, pour aboutir à la création de la chaîne de cinémas Europalace. Ces diverses mutations placent Gaumont au cœur d'une vaste nébuleuse cinématographique qui brasse des milliards de dollars et détient des parts de marché au quatre coins de la planète, mais contribuent sans doute à la dissolution progressive de son identité. On peut aujourd'hui comparer Gaumont aux majors américaines : la marguerite n'est plus un label de qualité mais l'emblème d'une multinationale de la distribution qui exploite tout et n'importe quoi du moment que ça rapporte gros.


Gaumont en DVD
L'apparition du DVD en 1997 permet actuellement à Gaumont de gonfler son chiffre d'affaires en rééditant son catalogue pléthorique. La firme centenaire distribue elle-même ses titres DVD en France, via GBVI lorsqu'il s'agit du marché international. Elle a consacré de passionnants coffrets à ses séries cultes (La 7ème Compagnie, Fantômas, La Boum) et à certains de ses collaborateurs emblématique comme Michel Audiard, dialoguiste des célébrissimes Tontons Flingueurs, ou Louis de Funès, interprète de nombreuses comédies signées Gérard Oury, Jean Girault, André Hunebelle ou Edouard Molinaro.
image
En Zone 1 (Amérique du Nord) le catalogue DVD de la Gaumont s'éparpille entres quelques studios/éditeurs. Columbia Tristar se démarque toutefois en offrant certains des plus récents succès du studio, principalement ceux issus de la filière Besson. Parmi ces films de la Gaumont distribués par Columbia Tristar citons: Nikita, Le cinquième élément, Les rivières pourpres et Jeanne D'arc (1999).
image
Malheureusement plusieurs films importants de la Gaumont ne sont toujours pas disponibles en Zone 1. On pense notamment à Sous le soleil de Satan (Maurice Pialat), Les Tontons Flingueurs (Georges Lautner) et Zéro de conduite (Jean Vigo).


Auteur: Sébastien Bouché
Date de publication: 08/08/2004
Dernière révision: 08/08/2004