Annoncée depuis au moins un an comme le grand retour du cinéaste anglais Ridley Scott qui défend une filmographie en dents de scie depuis une bonne décennie, mais aussi
comme la revisite inespérée de son film culte de 1979 Alien, Prometheus est une œuvre de science-fiction qui surprend, déçoit, déstabilise, questionne et stimule les esprits.
Timidement vendue comme un prequel au film qui a inscrit Scott comme auteur, l’œuvre en est en effet un retour aux sources, aux origines. Épousant ainsi merveilleusement les questionnements que propose le film, la caméra du réalisateur cumule les nombreux clins d’œil renvoyant au Alien original mais aussi aux autres films de la quadrilogie. Pourtant, le long-métrage défend une intrigue qui se détache ambitieusement et philosophiquement de cette étiquette de prequel réussissant à créer une toute nouvelle mythologie en plus de répondre effectivement à quelques mystères concernant les évènements qu’ont rencontrés l’équipage du Nostromo.
Prometheus s’intéresse ainsi à plusieurs questions fondamentales, dont celle centrale au récit : d’où vient l’homme ? Pourquoi sommes-nous vivants ? À travers l’équipage du vaisseau Prometheus que l’on suit ici, la caméra de Scott filme cette quête de l’origine sur cette planète lointaine qui semble y offrir les réponses. Les différentes pensées s’affrontent. Des scientifiques, des géologues, des pilotes et un robot y expriment leur croyance, leur foi profonde, thématique au cœur de l’œuvre. Mais ultimement, c’est le féminin auquel semble s’intéresser le film.
En effet, les deux personnages féminins qui dominent le long-métrage sont ceux par qui les réflexions s’articulent. D’un côté, nous retrouvons la scientifique Elizabeth Shaw (jouée par Noomi Rapace) motivée par ce questionnement ultime de l’origine de l’homme. Humaine, intelligente, forte et vulnérable, elle est habitée d’une Foi qui lui apportera ouverture d’esprit et liberté. De l’autre, Meredith Veckers (jouée par Charlize Theron) est présentée comme une dirigeante égoïste, froide, riche, pragmatique dont la pensée demeure linéaire et limitée. Constamment réfléchies en rapport l’une avec l’autre, elles présentent le genre par lequel le film pose son propos.
Favorisant davantage Shaw par un parallèle évident avec Ellen Ripley, l’œuvre propose ainsi de savoureuses hypothèses quant à la question de la création (et de la destruction). Dans une séquence d’ « avortement » qui saura marquer bien des esprits et qui aura d’importantes répercussions sur la suite des choses, le film de Scott expose la thèse que le féminin est capable du meilleur comme du pire. Et surtout, il s’agit de la preuve infaillible de la cohérence entre cette œuvre et Alien concernant le fait que les deux œuvres du cinéaste, sous leurs airs féministes, proposent une vision bien plus sombre et complexe de la féminité. À ce titre, plusieurs accuseront (à tort puisqu’ils se priveront d’un discours qui est beaucoup plus complexe) Prometheus de tendances misogynes.
Si l’œuvre ne répond pas à toutes les questions qu’elle pose, une chose certaine demeure : la fascination évidente de la caméra de Ridley Scott pour le corps féminin. Certes, le doute demeure quant au parti pris du film pour le genre féminin. Il n’en demeure pas moins que, derrière sa quête de l’origine, le long-métrage interroge au cœur de son récit la place de la femme dans la question de la création. Rien que pour cela et aussi parce qu’il s’agit d’un grand film de science-fiction autonome de l’œuvre auquel il rend hommage, Prometheus saura déstabiliser, questionner et réfléchir, pourvu que l’on soit doté, à l’image de Shaw, d’ouverture d’esprit.
Frédéric Bouchard